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    Par Reg et Erg Nouvel An 2005 dans le Sahara algérien

    Je ne me souviens plus si elle a dit qu’on y mangeait aussi bien qu’en Jordanie, ce qui serait inexact, mais en tout cas, peu de temps après nous partions pour ce qui fût un magnifique et émouvant voyage dans la mémoire des pierres et des hommes.

    C’est dans l’oasis-palmeraie de Djanet que, surpris par la pluie, nous avons atterri et passé la nuit du 26 décembre, à quelques km seulement de notre premier objectif. Le haut plateau du Tassili N’ajjer est séparé des dunes environnantes par un formidable escarpement rocheux de plus de 500 m de haut. Pour le franchir et atteindre la surface qui culmine là vers 1600 m d’altitude, nous utiliserons à l’aller et au retour une des rares passes (akba) existantes, celle de Tafilalet. Cette relative difficulté limite l’accès aux randonnées à pied et protège quelque peu ce lieu classé patrimoine mondial de l’Unesco. Les excursions y sont d’ailleurs obligatoirement guidées par un employé du parc national. Le programme prévoyait un tour de cinq jours avec Bujma et Hossein, le cuistot et son aide accompagnés d’environ quinze ânes et six âniers.

    Le rituel des journées se met très vite en place : vers 7h30 chargement des ânes puis petit déjeuner et départ avec notre guide Mohamed pour des étapes variant de 4 à 13 km. A midi ou en fin de journée, recherche du petit coin soigneusement choisi par nos âniers, dans la zone réservée aux bivouacs, parmi les dédales de rochers. A l’heure du thé Lipton, formation de deux groupes : ceux qui montent leur tente (dans le vent) et les autres, adeptes des cavités rocheuses et du ciel étoilé, plus nombreux au fil des jours. Après le repas chaud (soupe suivie par exemple de ragout, de couscous ou de lentilles) et le plat de dattes, cérémonie du thé touareg puis récits et blagues d’André pour réchauffer ceux qui bravent les basses températures (il a certainement gelé une nuit). En supplément, le dernier soir, danse au son des bidons autour d’un feu commun.

    Dans ce massif montagneux, la variété des formes dues à l’altération des grès nous a arraché plus d’une exclamation de ravissement : roches à piètement et en champignons, arches naturelles, fronts de silhouettes ruiniformes à l’horizon se transformant en véritables forêts de pierres sur sable lorsque nous les atteignions,… Je me souviens du son de l’harmonica d’André, encourageant notre cheminement sur la surface sombre des cailloux recouverts de la patine désertique (reg) qui paraissait infinie à la fin d’une longue journée; des traces des anciens cours d’eau (oueds) permettant de contempler d’impressionnants canyons ou de circuler dans des enchevêtrements de lits rocheux tels que nous imaginions être dans une sorte de ville avec de grandes avenues.

    Mais c’est le sable emporté par le vent qui a surtout érodé le bas des parois et formé les vastes abris sous roches qui portent encore le témoignage des scènes de la vie courante des hommes préhistoriques, chasseurs puis pasteurs ainsi que d’une faune sauvage surprenante (éléphants, antilopes, crocodile). L’art rupestre visible ici est extraordinaire et l’importance des sites (In Itinem, Sefar, Ti-n-Tazarift, Ta-n-Zoumaïtak – plus Jabbaren tout à la fin du voyage) donne tout son sens à l’expression de musée en plein air. De « salle en salle » nous avons ainsi admiré la délicatesse des figures, tenté de reconnaître les différentes périodes (bubaline, têtes rondes, bovidienne, caballine, cameline), discuté des énigmes comme celle des très grandes figures (le Grand Dieu). Et si la flore est peu représentée nous avons par contre pu observer de véritables fossiles vivants : les magnifiques cyprès millénaires trônant dans la vallée de l’oued Tamrit.

    La deuxième partie du voyage nous a conduit vers le sud-est à environ 170 km à vol d’oiseau, par route et pistes, en passant par l’oued Ingaren, à proximité de la frontière lybienne, dans la Tadrart au sable rouge. Les km sont alors plus enfilés par les roues que par les jambes mais le rituel est assez semblable : il suffit de remplacer les ânes par des Toyota qui s’ensablent, les braiments par la musique du chanteur Ibraïm Brébo, les âniers de Djanet par la sympathique équipe des chauffeurs de l’agence Attakor de Tamanrasset, le jeune Mohamed par Djulia, vieux guide touareg à l’allure vive. Le décor est tout autre, associant merveilleusement roches et sables, plaines de drainage et champs de dunes (erg) spectaculaires. Le clou fût certainement l’ascension d’une grande dune de 150 m de hauteur. Partir à l’opposé et s’élever peu à peu en passant de crête en crête a été la tactique gagnante permettant d’arriver au sommet en 1h, avant les deux rescapés du groupe qui avait opté pour une attaque de front (dur, très dur).

    Et le réveillon, dans tout ça ? En fait, de la soirée touareg qui a eu lieu dans un campement proche, je ne pourrai rien vous dire car je ne faisais pas partie des courageux qui y sont allés. Il faisait si froid et le vent soufflait si fort, qu’après la tagella (galette de semoule cuite à l’étouffée dans le sable) et quelques gouttes de champagne vite avalées, je me suis mise bien à l’abri dans mon sac de couchage, niché derrière la tente de Monique.

    Encore merci à Monique pour ce beau voyage, à Claire M. pour son film, et tous pour les petits plus.

    Le groupe: Anne-Marie, Christine, Claire M, Claire N, Gundie, Kateljin, Monique, Alain, Albert, André, Christian L, Christian V, Claude et Philippe.

    Claire Neuray

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