Quelques jours plus tard, je réserve les vols, compare les prix de différentes agences locales et européennes. Notre choix se porte sur l’agence locale, Tanzania Summit Adventure Ltd avec qui un ami est parti au Kili en février 2011.
L’objectif du voyage est de prendre le temps de découvrir la Tanzanie sous ses différents aspects et d’arriver au sommet du Kilimandjaro à deux. Sorti de la formation d’Iffremont en mai avec mon ami Lambert, j’avais constitué la trousse de médicaments conseillée et était équipé d’un téléphone satellite au cas où …. Mais il ne dut pas être utilisé en altitude. Pour les communications usuelles, un simple gsm tribande suffit à certains endroits précis.
L’itinéraire choisi prenait en considération l’acclimatation par paliers et le souhait de ne pas se retrouver dans une voie classique à la sortie. Nous débutons notre voyage par dix jours de découverte de la Tanzanie, de ses richesses culturelles, des différentes ethnies, du Ngorongoro et du parc de Serengeti. Nous campons deux jours en terre des Masaïs pour partager leur mode de vie. La richesse de nos différences, mais aussi la grande relativité de notre mode de vie quotidienne nous ébranlent. Je repense à cet enfant Masaï qui me prend le bras et découvre un homme blanc avec des poils sur les bras, ….
A la porte Londorossi (2250 m) située à l’entrée du Parc du Kilimandjaro, nous retrouvons le 22 juillet notre guide, Exaude, l’aspirant-guide, Godi, les 11 porteurs et le cuisinier Julias, qui nous ont accompagnés en territoire Masaï. Nous allons bien manger, Julias fait des prouesses avec ce qu’il a : légumes frais chaque jour, soupes maison, plats locaux, ….Nous procédons à l’enregistrement et à la pesée des sacs (pas plus de 15 kgs par porteur, plus leur sac individuel). Quelques kilomètres en jeep jusque 2.385 mètres d’où nous partons par un sentier en forêt avec Godi. Le guide attend que toute l’équipe de porteurs soit prête avant de nous rejoindre. Après deux heures de marche, nous arrivons à 2780 mètres au Forest camp pour une première nuit sous tente. Ce sera avec le camp suivant, les seuls camps d’altitude où nous nous enregistrons et où les charges des porteurs sont à nouveau contrôlées.
Le camp assez bruyant est envahi par différents groupes encadrés par d’autres agences plus commerciales.
Le lendemain, départ à 8h20 pour le Shira 1 Camp (3.500 m) que nous atteignons « polé polé » (en swahili, doucement) vers 13H. Nous avons une superbe vue sur le Kili, le vent souffle fort et emporte la poussière. Nous sommes en hiver, il n’a pas plu depuis le mois de mai. La nuit est glaciale. Le lendemain est une journée d’acclimatation. Nous montons jusqu’à la Shira cathedral. (3.895 m), nous y apercevons au loin le mont Meru. Nous redescendons passer la nuit au Shira camp 1.
Le 25 juillet, nous parcourons une des plus belles étapes en variation de paysages pour arriver au Moir Hutt camp (4175 m). Ici l’environnement devient volcanique et très aride.
S’en suit une montée d’acclimatation à 4225 m pour redescendre au camp passer la nuit, durant laquelle il gèle à pierre fendre.
L’étape du jour est courte, trois heures de marche pour arriver au Lava Tower camp (4640 m). Journée de calme et de repos.
Seconde journée d’acclimatation, nous montons à l’Arrow Glacier camp (4830 m) où nous découvrons la Western Breach pour redescendre passer la nuit. De retour au Lava Tower Camp, le vent souffle de plus en plus fort et emporte la poussière tourbillonnante, il faut déplacer notre tente qui est trop exposée.
Le Lava Tower est un point de passage et d’acclimatation pour certains groupes qui rejoignent ensuite une des voies classiques par le Barranco camp (3960 m), Karanga camp (4030 m) et Barafu camp (4640 m) pour partir de là au sommet.
Le 28 juillet, nous repartons pour l’Arrow Glacier camp. Nous sommes les seuls à y passer la nuit.
A partir du camp du glacier Arrow situé à 4.830 mètres, nous partons en direction du camp du cratère situé à 5.730 mètres par une voie d’escalade facile en rocher et en neige dénommée la WESTERN BREACH. Elle est empruntée par 1% des personnes qui montent au Kili. Beaucoup de mystère entourait cette WESTERN BREACH. Je savais qu’elle avait été fermée en 2006 à la suite d’une chute du bord du glacier, ce qui occasionna le décès de trois grimpeurs. Elle a été rouverte depuis lors, mais une série de réserves et de polémiques sont développées sur le site internet suivant : www.westernbreach.co.uk
La difficulté ne réside pas dans l’escalade et les pentes de neige, mais bien dans l’instabilité des rochers qui peuvent partir à tout moment. Nous avons vécu cette expérience lorsqu’un porteur fit basculer une pierre qui passa à 30 cm de Myr et de Godi …..
L’autre question est de savoir s’il est opportun d’y être encordé ou non. Des plaquettes sont placées à des passages stratégiques. J’avais apporté une petite corde et l’ai donné au guide qui ne l’a pas utilisée.
L’utilisation de la corde peut être un inconvénient parce qu’elle ralentit la progression dans des endroits instables et risque d’emporter des cailloux. Pour des non-initiés, elle aurait toutefois pu être utilisée dans certains passages délicats où un faux pas n’était pas permis.
Le casque aurait été un bon choix, les crampons n’étaient pas indispensables en cette période.
Après cinq heures d’ascension dans cette voie où nous étions seuls avec le guide, l’aspirant guide et 5 porteurs, nous découvrons le superbe cratère bordé de glaciers. Nous rejoignons le Crater camp 5.730 mètres.
La montée au sommet était prévue pour le lendemain afin d’y arriver au lever du soleil. Vu notre bonne condition, nous décidons de partir l’après-midi même. Vers 15h40 le dimanche 29 juillet, nous atteignons le sommet Uhuru Peak (5895 mètres) après ¾ heure de marche sur un chemin d’altitude plus classique. Nous y sommes seuls. C’est un moment sublime que nous partageons avec Exaude et Godi. Nous sommes sur une mer de nuages dont émerge au loin le Mont Méru.
Nous repassons par le sommet secondaire, le Stella point à 5.739 mètres pour redescendre ensuite et remonter au bord du cratère pour rejoindre le Crater camp à 5.730 m.
Après un repas bien mérité, nous allons nous coucher, la journée fut bien remplie. La nuit est entrecoupée de sommeil et de réveil, elle paraît bien longue …. Au matin, toute la tente est givrée.
Le lundi, petit déjeuner au soleil face au glacier avant de remonter au Stella point pour descendre vers le Barafu camp jusqu’au Mweka Camp à 3100 m. Nous retrouvons l’incroyable colonie de marcheurs dont certains montent péniblement. A la descente, plusieurs sont soutenus par leur guide comme des pantins hagards et livides,
Arrivés au Mweka Camp qui est sur la route classique de descente, nous redécouvrons toute l’équipe des porteurs, le matériel non emporté au sommet, le camp est installé et un repas spécial pour notre anniversaire de mariage (bananes vertes, légumes, viandes, épices, …) nous attend après un décrassage général.
Le mardi 31 juillet, nous replions pour la dernière fois notre matériel pour la descente annoncée facile. En fait, si le chemin est tracé, tous les mètres des bois font office de marche. L’air ambiant est très humide et le terrain devient boueux, glissant… Nous voyons des porteurs s’étaler, des marcheurs plus proches du pénitent en quête de plat que fringants randonneurs …
Enfin, nous arrivons à la Mweka gate à 1830 m où après nous être enregistrés, nous rejoignons toute l’équipe qui nous a accompagnés pendant 10 jours pour les remercier.
Ce furent des moments intenses et vrais où nous avons pu découvrir à deux l’intensité et le partage d’efforts, d’émotions, de joies et de découvertes enrichissantes au contact de l’équipe qui nous entourait. Le sommet n’est jamais une fin en soi, il est l’occasion de grandir avec l’autre et de réfléchir sur l’infiniment petit que nous sommes face à la grandeur et à la beauté de ces sommets dont nous rêvons.
Myr et Luc Herickx