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    Berger 68 – Au fond du gouffre

    Les objectifs étaient ambitieux pour un groupe de 30 équipiers: atteindre le fond du gouffre le plus profond du monde, explorer de nouvelles galeries et tourner un film…
    Cet été 2010, pour la préparation de la soirée culturelle « Spéciale Spéléo » du mois de novembre, je me suis replongé 42 ans en arrière dans les films, archives et souvenirs de chacun. En apéritif, je vous livre ici, sorti de mon carnet de notes dépoussiéré, le récit du jour « J ».

    Lundi 12 août, après avoir été bloquée par les crues pendant 3 jours à -750 m, une équipe de 8 spéléos – 6 belges et 2 français – va mettre 27 heures pour atteindre le siphon terminal à -1122 et remonter au camp 2.

    « Depuis le bas du puits Gaché, le gouffre Berger change littéralement d’aspect. Imaginez un boyau de 10m de diamètre qui se tord, descendant presque à la verticale dans un bruit de cascade assourdissant. La roche est noire, froide et trempée, c’est le ressaut du mat et le puits du singe. L’équipement prend beaucoup de temps. Une heure dans cet enfer, le moral est à zéro, jamais nous n’atteindrons le fond, tout le monde se regarde d’une drôle de façon….

    Enfin je peux bouger, glisser le long de la corde, empoigner le mat, traverser, descendre pour atterrir dans l’eau. Les rappels se suivent et peu à peu, en se réchauffant, le moral revient.
    Nous voilà au sommet de « La Grande Cascade ». Alain équipe les 2 premiers rappels pendulaires suivis d’une verticale de 27 m qui se termine dans une vasque au pied de la cascade. On installe un téléphérique pour faire descendre le matériel, et tout le monde se retrouve dans la « salle De Joly » qui fait suite à la cascade.
    Yvan arrive le dernier « vous avez récupéré le téléphone ? » …il l’a laissé tombé du haut du puits !! Alain, pas content du tout, le retrouve au fond de la vasque sous la cascade.
    On mange, on sèche le téléphone : « Allo la surface, on est à – 930 »

    Le gouffre reprend un aspect plus humain, une grande galerie de 20m de haut où la rivière se perd dans un éboulis. Celui-ci est rapidement avalé pour aboutir à un étranglement dans lequel s’engouffre la rivière. Passage délicat où il faut traverser un mètre au-dessus de l’eau avec les pieds sur un câble et les mains sur des bombements. Une échelle tendue à l’horizontale en facilite le passage. Le plafond se rapproche de plus en plus, nous obligeant à avancer en se courbant. La rivière se termine sur un siphon que l’on contourne par un laminoir fossile. Incroyable, dans ce gouffre aux dimensions énormes, nous sommes obligés de retirer nos sacs et de les pousser devant nous en rampant sur des galets. Le plafond se relève pour replonger aussitôt dans une voûte mouillante avec de l’eau jusqu’à la ceinture…Un vrai piège, à la moindre crue, cet endroit doit siphonner quasi directement en interdisant toute remontée !!. La progression continue presque horizontalement et soudain c’est la cassure. La rivière se jette dans une immense diaclase dont on ne voit pas le fond. Les festivités vont commencer, nous arrivons à l’obstacle majeur du Berger.

    Apres un petit arrêt pour manger et reprendre des forces, j’assure Alain dans la traversée spectaculaire de la « Vire tu oses ». Les points d’assurance sont des cordelettes passées sur des concrétions. Un piton, un étrier, une grande opposition, le corps presque à l’horizontale, …15m plus loin, la diaclase se referme et permet un point de repos. Sur un gollot, une échelle de 5m au bout de laquelle il faut penduler pour atteindre une petite vire et le puits du pendule. La rivière se divise en deux et coule sur un pan incliné à 70°. Au bout de 20m de rappel, il faut penduler le plus rapidement possible entre les deux cascades, et rejoindre une plate-forme confortable…c’est au retour que l’on va rire pour faire le pendule dans l’autre sens ! Reste le morceau de choix, sous la plate-forme, le pan incliné se transforme en une formidable verticale de 40m. « L’Ouragan » porte bien son nom, le bruit est assourdissant. Une petite corniche en contrebas de la plate-forme permet de s’éloigner le plus possible de la cascade. Alain, Joël et Marcel vont mettre 1 heure pour équiper ce dernier obstacle. Claude, courageusement, prend des photos malgré le froid et les embruns. Le reste de l’équipe somnole en attendant son tour pour descendre.
    Un dernier contact téléphonique, car plus bas la ligne est coupée. « Allo la surface, nous sommes au-dessus de l’Ouragan, comment est le temps ?…beau temps! Ok on continue… » Gérard me réveille, c’est mon tour. Il faut progresser à genoux ou à plat ventre sur une vire de 40cm. Au bout de celle-ci, il faut descendre en surplomb sur un étrier et partir dans le grand rappel plein vide.
    D’un côté, la cascade qui se rapproche de plus en plus et de l’autre, une immense salle qui fait toute la hauteur de l’Ouragan, où brillent quelques petits points lumineux. Voilà la cascade qui me pénètre dans le dos, puis de tous les côtés, vite le sol, je ne vois plus rien, je suffoque, un choc : j’ai atterri sur le derrière, sans lumière. Une voix m’appelle, je titube pour sortir de ces remous d’air et d’eau glacée. Coup de sifflet…au suivant.

    Après la tourmente des cascades, -1000 est un vrai paradis : des pentes d’argile sèche où l’on a envie de courir. Des sièges creusés dans l’argile, une réserve de carbure, voilà les restes du camp des Français qui sont restés bloqués une semaine ici au début de notre expédition !

    Au milieu de la grande salle, l’affluent -1000 vient gonfler les eaux de la rivière.
    Pendant que Joël et moi prenons de l’avance pour gonfler le dinghy, les photographes entrent en action. Yvan, tenant le flash, recule et brusquement disparaît….il est récupéré sans dommage mais il n’en est pas de même pour le flash qui a rendu l’âme.

    Au bout de la salle, la rivière réapparaît, coulant calmement sur le socle imperméable. Il y a beaucoup d’eau et nous embarquons dans le dinghy. Ici, il y a bien 3m de profondeur d’eau et les parois verticales se resserrent, s’étranglent pour ne laisser qu’un petit passage triangulaire de 50cm. Nous sommes obligés de descendre en opposition dans l’eau pour passer cette dernière voûte mouillante. De l’autre côté, une petite cordelle permet d’atteindre un câble fixe où nous traversons une grande vasque, pendus par les mains avec le corps à moitié dans l’eau.

    Nous sommes maintenant complètement mouillés et je me sens lourd.. lourd…Un petit passage en opposition où Yvan doit me tirer car je n’arrive pas à démarrer, un premier siphon contourné par une coulée de calcite, et nous arrivons à une pente douce qui plonge dans l’eau du siphon terminal. Les regards brillent, la fatigue est oubliée, nous sommes à -1122 au fond du gouffre Berger. »

    Ont participé à cette pointe : Marcel Van Tuykom, Jean Claude Minot, Yvan Soher, Lambert Martin, Claude Debroyer, Joël Martin, Alain Marbach et Gérard Thiriez

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