Début mai, 4 alpinistes belges, Vincent Babic, David Bertrand, Benoît Henry et Laurent Toisoul, sont partis à l’assaut du Denali* (6194m). Le mont Mac Kinley est l’un des sommets les plus exigeants au monde, de par sa situation géographique – près du cercle polaire arctique, mais surtout à deux pas de l’océan Pacifique – et ses conditions météos réputées extrêmes.
Le projet consistait à monter en autonomie totale la voie normale, mieux connue sous le nom de West Buttress, et descendre par la voie « Orient Express », la Upper West Rib à ski…. une première belge !! La météo en a décidé autrement, mais le projet n’en demeure pas moins une grande réussite sportive et humaine. Après leur tentative au sommet, loin de tout, isolés pendant 3 jours au « camp d’altitude », ils ont vécu des moments forts, dignes d’un film catastrophe et dont ils se souviendront longtemps encore!!
L’aventure se termine… bien
Après 11 nuits en altitude, nous sommes de retour sur la terre ferme, contents de pouvoir enfin déguster une bonne bière et dévorer un hamburger aussi exquis qu’énorme, que seuls les américains peuvent servir.
Dès le départ, le lundi 11 mai 2015, après un transport aérien jusqu’au camp de base (2200 m) nous offrant un panorama extraordinaire du Denali National Park, l’équipe est motivée par une météo ensoleillée qui la pousse d’emblée à sauter le camp 1 (2400m) pour aller passer la nuit au camp 2 (2900m) ; une longue journée de 10h de skis pour une quinzaine de km parcourus, mais qui nous permettra de nous économiser pour la montée au camp 3 (3400m) beaucoup plus raide. En effet le lendemain, le poids des pulkas* que nous tirons en plus de nos sacs à dos (soit plus de 50kg par personne) se fait sentir sur les hanches. Premier camp où nous rencontrons d’autres équipes en ce début de saison, le camp 3 nous ramène un peu à l’enfance, quand nous jouions aux blocs Legos : nous passons des heures à monter brique par brique des murs protecteurs autour de nos tentes. D’ailleurs le lendemain, une première journée de mauvais temps et de vent nous bloque au camp et nous contraint à monter nos murs jusqu’à 2m de haut.
Après un premier portage sous le camp 4 (4300m) dans des conditions de vent extrêmes (aucune autre équipe n’a osé démarrer ce jour-là), nous décidons de laisser nos skis car la neige dure et soufflée sous nos pieds ne s’y prête pas. Le lendemain, la montée en crampons au camp 4 n’en sera que facilitée.
Cela fait déjà 5 jours que nous sommes partis, et déjà pas mal de sensations fortes, mais nous ne savons rien encore de tout ce qui va nous arriver plus haut. Un jour de repos et d’acclimatation bien mérité, le temps d’analyser la suite et de se renseigner auprès des Rangers qui paradoxalement, à part une prévision météo erronée, ne donnent aucune information de peur de se ramasser un procès en cas de pépin … typiquement américain. C’est d’ailleurs après une météo annoncée foireuse, alors qu’au lever du jour il fait grand beau, que nous décidons de lever le camp plus tôt que prévu pour profiter d’une éventuelle et hypothétique fenêtre météo favorable. La montée au camp 5 (5300m), dit camp d’altitude, constitue la partie la plus technique de l’ascension. C’est pour cette raison que Daf, le moins expérimenté de la bande, qui a déjà vécu pas mal de stress jusqu’ici, décide d’en rester là. Dépassé par l’exigence technique de l’endroit, il ne veut pas hypothéquer les chances de réussite du groupe. Sage décision quand on sait après coup ce qui nous attendait. D’entrée de jeu, les cordes fixes assez raides, installées sur 200m, posent problème car cette section habituellement en neige est entièrement en glace. A l’arrivée au col, c’est une longue arête exposée qu’il nous faut parcourir pour parvenir au camp 5, où nous découvrons que nous sommes seuls … ou pas tout à fait. Horacio, un grimpeur argentin qui gisait là depuis plusieurs jours, mort de froid, nous rappelle que la montagne est dangereuse. Une fois n’est pas coutume, nous sommes bloqués une journée complète au camp 5 à cause du mauvais temps, et Benoît qui souffre du MAM décide de ne pas tenter le sommet le lendemain. Mercredi 20 mai : il est minuit lorsque je me réveille sur les starting blocks, mais Vincent dort comme un bébé. J’attendrai 4h du mat pour le réveiller, il fait beau et il faut monter. Pas à pas, mètre après mètre, avec un rythme lent mais régulier, Vincent et moi montons vers ce sommet mythique en faisant la trace chacun à notre tour, lorsque soudain, vers 6000m d’altitude, l’enfer nous tombe sur la tête sans prévenir : le whiteout*, accompagné d’une tempête de neige, de vents terribles et d’un zeste de givre qui vous arrache la gueule… et ce n’est malheureusement qu’un début car les choses vont empirer au fur à mesure que s’égrène le temps…
La suite de cette aventure hors du commun pleine de rebondissements et d’incertitudes, avec tous les détails et tous nos ressentis, dans le prochain numéro d’Ardennes & Alpes et dans le film qui sera diffusé cet automne à la Maison Haute à Boitsfort.
PS : un tout grand merci au CAB Bruxelles-Brabant pour son aide toujours volontaire à de tels projets.
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* whiteout : jour blanc, condition climatique dans laquelle toute visibilité et sensation de relief est rendue impossible du fait de la disparition des ombres et de l’horizon
* Denali : c’est le nom indigène du Mac Kinley
* Pulka : traîneau typique des scandinaves, qui sert à transporter ses affaires et auquel le randonneur s’harnache à l’aide d’un brancard ou de cordes.
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