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    Récit de montagne Séjour dans le massif des Ecrins

    Cette fois, c’est le massif des Ecrins qui retient notre attente. Nous l’avons encore peu parcouru et son environnement mieux préservé et plus sauvage nous incite à le découvrir davantage.

    Nous déplions les cartes, analysons les topos et tentés par les « circuits-traversées » nous élaborons un itinéraire.
    Au départ de La Bérarde, nous remonterons la vallée du Vénéon jusqu’au glacier de la Pilatte, passerons le col du Sélé, traverserons le Pelvoux, remonterons ensuite le glacier Blanc et redescendrons enfin sur La Bérarde par le col des Ecrins.  Tout au long de cette traversée, nous ne manquerons pas les ascensions de quelques sommets : pic Coolidge, pointe de la Pilatte, Gioberney, le Pelvoux, les Agneaux, la roche Faurio.  Projet ambitieux mais réalisable nous a-t-on dit !  Toutes ces courses étant effectuées par les voies normales et classées F ou PD.
    Nous parlons alors de notre projet à quelques amis et un petit groupe de 4 se forme petit à petit, Monique, Michelle, Jean, Eric.
    Fin juin, nous voilà donc parti pour cette aventure.  Pendant 2 semaines, nous serons plongés dans le monde de la haute montagne en passant de refuge et refuge. Toutefois pour commencer, nous avons prévu 2 journées d’acclimatation.  La magnifique via ferrata de Saint-Christophe en Oisans et la tête de la Maye nous servent de petites mises en jambes.  Du haut de ce promontoire nous apercevons notamment la Meije dans toute sa splendeur, la barre des Ecrins et le fameux col des Ecrins par lequel nous pensons redescendre en fin de périple.
     
    Ensuite, les choses sérieuses commencent.  Direction le refuge Temple-Ecrins d’où nous partirons pour l’ascension du pic Coolidge (3775 m).  Du refuge, la vue est superbe sur nos autres objectifs.  Nous admirons ainsi le glacier de la Pilatte et le Gioberney.  D’autres sommets prestigieux nous entourent également : les Bans, l’Ailefroide, la Barre des Ecrins.  Nous passons l’après-midi à revoir quelques techniques d’encordement et de moufflages.  15 heures, les premières cordées reviennent du Coolidge.  Certaines mines en disent long.  Le lendemain, levé à 4 h et en un peu plus de 30 minutes, nous sommes déjà prêts pour le départ. Il fait très doux, presque chaud. Nous arpentons les sentiers rocailleux qui nous mènent après 3 h de marche au col de la Temple.  Le glacier Noir s’étire devant nous jusqu’au Pré de Madame Carle, mais là n’est pas notre objectif du jour.  Une masse rocheuse se dresse à notre gauche – les contreforts du pic Coolidge et ses fameuses vires.  Chaussés de nos crampons, nous nous y engageons, certains d’entre-nous avec quelques appréhensions, plus habitués aux chaussons d’escalade lorsqu’il s’agit de grimper sur du rocher.  Pourtant, très vite, les crampons s’avèrent redoutables d’efficacité et rassurent les septiques.  Un long cheminement dans ces conditions nous amène enfin sur un plateau neigeux d’où nous apercevons au loin le Coolidge.  Une bonne heure sera encore nécessaire pour atteindre le sommet.  Reste alors la descente, épreuve bien souvent plus difficile que la montée, surtout en désescalade.
    Après 10 heures de course, nous voilà « rendus » et fatigués.  Nous avons fait fort pour commencer – 1365 mètres de dénivelé.  Nous ne tardons pas à nous coucher après un délicieux repas arrosé d’un petit rouge qui tache mais tellement agréable après cette longue journée.
    Le lendemain, nous ne sommes pas pressés de partir. Nous nous levons à l’aise, préparons nos sacs et en route pour le refuge de la Pilatte.  Une petite lessive dans le Vénéon au passage et nous voilà bientôt au refuge.  Un accueil bien sympathique des gardiennes nous y attend, une bonne Jup au fût également et l’annonce surprenante que 2 de nos permis de conduire sont restés au refuge Temple-Ecrins !  Mais que peuvent-ils bien faire ces belges avec leur permis de conduire au milieu de ces montagnes ? ? ? Soit, il faudra bien les récupérer d’une manière ou d’une autre, mais pas aujourd’hui !
     
    Un autre souci vient aussi perturber notre enthousiasme.  Nous allons devoir modifier notre programme.  En effet, les refuges étant également des lieux de rencontres et d’échanges, nous apprenons que le passage par col des Ecrins risque d’être bien plus difficile que prévu. Une cordée de 2 alpinistes expérimentés nous a dit avoir renoncé face à cette difficulté.  Par ailleurs, 2 autres alpinistes y sont morts dans les jours précédents.  Nous analysons la situation et ne voulant pas mettre prématurément un terme à nos aventures alpines, nous modifions notre itinéraire.  Nous redescendrons sur La Bérarde après les 2 courses prévues au départ du refuge de la Pilatte et nous rendrons à Ailefroide en voiture pour poursuivre notre projet.
     
    La course du lendemain nous amène aux pointes de la Pilatte (3476 m).  Cette ascension se passe sur un glacier très crevassé et réputé dangereux.  Toutefois, nous sommes en début de saison et les conditions sont parfaites.  La plupart des crevasses sont encore bien bouchées à cette époque.  Une fois de plus, notre cordée est la première à quitter le refuge au petit matin.  Nous progressons lentement vers les premières pentes raides du glacier.  Le soleil se lève petit à petit et éclaire d’une lumière dorée l’arrête sommitale des Bans.  C’est magnifique !  Nous laissons passer 3 cordées plus rapides que nous rattraperons ensuite dans la descente.
    Au sommet, un vent froid nous oblige à écourter notre contemplation.  La descente se fait à bonne allure et rapidement nous sommes de retour au refuge.  Petite sieste bien méritée sur la terrasse du refuge, dans des transats méditerranéens !
    Nous revoyons ensuite l’itinéraire de la course du lendemain, le Gioberney (3352 m).  Il était initialement prévu de faire cette ascension par la voie normale mais finalement nous prévoyons de la faire par l’éperon NNE.  Cette voie est plus esthétique, beaucoup moins fréquentée et plus variée au niveau de la progression.  En bon alpiniste nous préparons nos sacs pour le lendemain. 
    Une seule cordée en plus de la nôtre a choisi cette voie.  Une marche d’approche d’une heure nous amène au pied de l’éperon.  Après un petit repérage du départ de la voie, nous voilà progressant corde tendue sur cet éperon rocheux.  Le rocher est bien adhérant et les prises généreuses.  Quelques petits passages plus aériens nous rappellent que nous sommes peu de chose face à cette immensité.  Après 2 heures de grimpe, nous sortons de la partie rocheuse et abordons une pente neigeuse qui se redresse progressivement.  Face à nous se présente un pic que nous contournons par une descente abrupte, pensant trouver le Gioberney de l’autre côté.  Il n’en n’est rien !  Nous avons simplement tourné autour de notre objectif pour le gravir finalement par le versant opposé.  Un petit détour d’1 heure ½ ! !
    Notre descente se fait par la voie normale.  De longues pentes de neige nous permettent de progresser très rapidement.  Soudain une jambe s’enfonce profondément dans la neige.  Seul, notre compagnon de cordée n’arrive pas à l’extraire du trou au fond duquel coule un petit ruisseau.  Nous creusons tout autour de la jambe avec nos piolets pour finalement pouvoir extraire cette jambe de sa prison de glace.   Heureusement, cet incident est sans gravité et nous poursuivons notre descente à un rythme un peu moins effréné.       
    De retour au refuge, nous dégustons une délicieuse omelette au fromage et champignons avant de redescendre jusqu’à La Bérarde, au gîte du club alpin.  Nous y retrouvons avec beaucoup de plaisir Philippe, le gardien du gîte ainsi que nos permis de conduire ! !  Pendant notre absence, Philippe était monté au refuge Temple-Ecrins et les avait récupérer – Merci ! !
     
    C’est dimanche, jour de repos.  Après une bonne nuit, nous laissons Jean à La Bérarde. Il continue ses vacances avec d’autres amis.  Nous reprenons la voiture et nous nous rendons à Ailefroide, de l’autre côté du massif.   A vol d’oiseau, 5 km séparent Ailefroide de La Bérarde.  Il nous faudra 2h pour effectuer le trajet en voiture.  Au passage, nous déposons Monique à la gare.  Elle ne restait qu’une petite semaine en notre compagnie.  Nous voilà donc plus que 2 pour poursuivre notre périple.
     
    L’étape suivante est la traversée du Pelvoux.  Les topos disent : difficulté IV / PD.  Course de neige longue et engagée – descente sur un glacier crevassé – pente de neige de 35 – 40° – itinéraire complexe à la descente – 5 rappels  – 4 h de montée (1245 m) et 6 h de descente (2400 m).  Soit, pour cette course nous avons fait appel à un guide.  Le rendez-vous est fixé au refuge du Pelvoux.  Nous montons au refuge en empruntant le vallon de Celse Niere.  La flore est abondante et superbe. Nous traversons une forêt de mélèzes entrecoupée de clairières.  Un vrai petit paradis pour les amoureux de la nature.  Plus haut nous surprenons un chamois, à 5 mètres de nous, pas inquiété pour autant.  Notre montée se poursuit paisiblement jusqu’au refuge.  Nous savourons une délicieuse tarte aux myrtilles faite maison – un vrai régal.  Nous repérons le départ de notre course du lendemain en attendant notre guide.
    18h30, l’heure du souper et une chevelure ébouriffée apparaît derrière un rocher – c’est Alex, notre guide.  Petite présentation d’usage et  il nous donne quelques informations sur la course pendant le repas.  Lever prévu à 2h45 !  C’est rudement tôt mais la journée sera longue.  Nous plongeons sous la couette sans demander de nous conter une petite histoire.
    Il fait encore nuit et déjà nous sommes en route.  La frontale s’impose.  Le cheminement n’est pas évident entre les rochers et les névés verglacés.  Nous passons la bosse de Sialouze et nous présentons devant le fameux couloir Coolidge.  Il commence en pente douce et se termine à 40°. La montée est assez éprouvante. Nous nous arrêtons le moins possible et seulement une poignée de secondes.  Vers 7 h nous arrivons au dessus du couloir.  Le vent souffle violemment.  Le sommet du Pelvoux, la pointe Puiseux, est 150 m plus haut.  En 30 minutes nous l’atteignons par une pente neigeuse.  
    Une vue sur 360° nous offre un panorama somptueux.  Le Mont Blanc apparaît au loin, le Viso et plus proche encore tous les sommets du massif des Ecrins.  La descente s’amorce doucement sur le glacier débonnaire du Pelvoux.  Nous approchons celui des Violettes, un bien beau nom pour un glacier si tourmenté.  Que de fractures, de crevasses, de gouffres béants et impressionnants, la plus grande attention est de rigueur.  Nous contournons tous ces pièges par des rappels successifs sous l’œil vigilant de notre guide.
    La course se termine par une succession de vires délicates.  A 14 h, nous sommes à Ailefroide et remercions Alex.
    Le lendemain matin, nos genoux et cuisses sont raides comme des cordes à linge.  Une journée de repos sera bien nécessaire pour nous remettre en état.  Nous décidons toutefois de monter au refuge du glacier Blanc pour admirer la vue sur ce fameux Pelvoux.  Nous redescendons dans la journée dans la vallée, laissant notre ascension de la Montagne des Agneaux pour une autre fois.  Avec ce jour de repos imprévu, il nous est impossible de poursuivre notre périple.  Nous devons déjà envisager notre retour au pays.
     
    Des souvenirs plein la tête et des images plein les yeux, nous sommes contents de cette expérience.  Aucune ombre ni incident n’est venu ternir notre aventure.  La montagne est un merveilleux domaine d’apprentissage de la vie et de soi.  Elle nous ramène souvent à l’essentiel et nous procure des moments intenses.  Elle exige beaucoup d’humilité car face aux événements, c’est toujours elle qui aura le dernier mot.  La montagne ne se donne pas, elle s’apprivoise et se mérite.
     
    Et de rappeler les paroles d’Edward Whymper:  » Grimpez si vous le voulez mais n’oubliez jamais que le courage et la force ne sont rien sans prudence, et qu’un seul moment de négligence peut détruire une vie entière de bonheur.  N’agissez jamais à la hâte, prenez garde au moindre pas.  Et dès le début, pensez que ce pourrait être la fin »

    Eric Thille

    Petit coin de Belgique à La Bérarde …
    La Bérarde, haut lieu de l’alpinisme, de l’escalade et de la randonnée est un petit village blotti au fin fond de la vallée du Vénéon, en plein cœur du massif des Ecrins. A partir de ce village, les possibilités d’activités sportives sont très nombreuses et variées.
    S’il existe dans ce lieu magique de multiples possibilités de logement (camping, chambres d’hôtes, refuge CAF, hôtel), la section Namur-Luxembourg du CAB y possède également un gîte géré par l’ASBL « Le Chamois ». C’est pour y avoir passé quelques jours cet été que nous pouvons témoigner de l’ambiance conviviale qui y règne et de l’accueil chaleureux reçu dès notre arrivée par Philippe, le bien sympathique gardien du gîte du moment.
    L’aménagement y est simple, fonctionnel et confortable, le tout pour un prix démocratique. Ce lieu d’hébergement est aussi une lieu de rencontres, d’échanges et de partages. L’occasion de raconter et d’écouter les expériences de chacun.
    Nous voulons souligner ici la chance que nous avons tous, passionnés de grands espaces, de montagnes ou de rochers qu’une telle infrastructure existe mais qui malheureusement est si mal connue. Pourtant, malgré qu’elle soit une propriété de la section Namur-Luxembourg du CAB, elle est ouverte à tous, membres du CAB ou non, sans priorité à qui que ce soit. La seule condition est de réserver à l’avance afin de faciliter la tâche des gardiens bénévoles.

    Que vous soyez de passage ou si vos « projets montagne » vous dirige vers La Bérarde, pensez au Gîte « Le Chamois » et n’hésitez pas à contacter préalablement :
    Chantal Detry Tél : 081 61 25 41 GSM : 0494 10 81 27 lechamois.cab@hotmail.com
    Tél. du gîte : 00 33 (0) 476 79 05 64

    Prochains événements

    14-17 Août 2025 Rassemblement Bleau
    Rassemblement
    23-30 Août 2025 Stage Grandes parois
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